Tout l’été, Paris New York TV invite Anne Brouilhet, une libraire passionnée. Elle a sélectionné et lu pour vous le meilleur des livres qui se passent à New York. Le soir après le bureau, dans les transports, dans la pelouse ou au bord d’une piscine pendant les vacances, évadez-vous à Big Apple. Bonne lecture !
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« La Scène américaine », Henry James : De quoi ça parle ?
Le Maître est né à New York en 1843. Il y a vécu jeune adulte pour y travailler, y gagner sa vie en écrivant pour la presse des recensions de textes littéraires. Puis, il quitte la terre natale pour rejoindre le vieux continent. Il voyage en France, en Italie, s’installe à Londres en 1876. Il exerce alors pleinement son métier d’écrivain. Il exprime dans ses très nombreuses œuvres, romans et nouvelles, son attachement au vaste pays de son enfance, son admiration pour sa grandeur morale venant compenser sa fragilité culturelle et historique. Des personnages, souvent féminins, incarneront le sentiment de liberté, le point de vue démocratique, l’esprit conquérant de ce nouveau monde qui marque le pas sur la nostalgie, le racornissement des idées accrochées à un passé qui s’éloigne, qui tente de survivre à sa dilution dans une modernité irrémédiable. Et, pourtant, souvent le vieux, l’ancien l’emporte. Son attrait, sans doute illusoire, est si attrayant, captivant, charmant et irrésistible, malgré le risque qu’on encourt à flirter avec lui. Il est parfois difficile de prendre parti. Le pouvoir de l’argent contre la fascination de la culture, des apparences, du beau et du subtil. Deux idées démocratiques s’affrontent. La guerre qui s’annonce décide Henry James à choisir. Il prend la nationalité anglaise à la veille de sa mort en 1914.
Avant cela, il retourne au Etats-Unis, après vingt ans d’absence. Il fait un grand tour. Et, comme pendant ses autres périples, il écrit des textes dans lesquels il exprime ses sentiments, décrit, recense avec précision ce qu’il voit. « La scène américaine » est le livre qui regroupe l’ensemble de ses textes. Ils sont essentiels au titre d’un témoignage, d’un regard unique et remarquable sur la ville de New York en particulier. Comme Henry James le montre avec tant de finesse, la ville se métamorphose rapidement et devient, à l’aube du vingtième siècle, la grande métropole que nous connaissons aujourd’hui.
« La Scène américaine », Henry James : l’avis d’Anne Brouilhet
Je recommande tout particulièrement la lecture de la préface de Jean Pavans, l’un des meilleurs connaisseurs français de l’œuvre de Henry James. Elle est très éclairante sur l’homme, ses motivations, les tenants et aboutissements de cette longue odyssée. Elle permet de rentrer plus aisément dans les textes qui suivent. La phrase de Henry James se déploie lentement et révèle pas à pas ses replis, ses sens cachés. Henry James jongle avec les métaphores avec virtuosité. Il joue souvent à cacher le motif dans une tapisserie riche et complexe. Pour être au plus près du ressenti psychique, il met en œuvre des associations linguistiques qui peuvent apparaître complexes. Le lecteur ne doit pas se laisser impressionner. Attentif, qu’il se laisse captiver afin de prendre plaisir à déjouer les ruses d’une écriture subtile et raffinée. Elle offre toujours des perspectives nouvelles, des points de vue qui font prendre de la hauteur.
Comme le suggère Jean Pavans, lire cet étonnant livre de voyage maintenant, c’est un peu faire le voyage d’Henry James à l’envers. C’est se donner une chance de comprendre la modernité contemporaine à sa source. C’est découvrir New York autrement, appréhender la ville sous un autre angle de vue, historique et culturel avec les yeux d’un américain qui revient et qui cherche à saisir ce qui s’est produit là.
Pour se le procurer ? C’est par ici.