Il ne désemplit pas. Les clients y parlent Français, Anglais. La cuisine s’active et les commandes pleuvent. Les petits pains chauds au beurre et au lait sortent du four. Des choux frais trônent près de vieux livres et le sucre attend dans des petites coupelles ornées de Tour Eiffel. Vous êtes dans le restaurant de Laurel Sanderson, une américaine à Paris. Une adresse secrète au fond d’une cour dans le 7e arrondissement, où le tout Paris se presse.
© photos Noélie Viallet – PNYTV
Originaire de Caroline du Sud, Laurel Sanderson vit à Paris depuis 17 ans. C’est à l’âge de 20 ans, qu’elle débarque en France, à Besançon : « J‘étais toute seule et j’avais envie d’apprendre le Français. Là-bas, il y a un important centre de linguistique, c’est la ville du célèbre linguiste Saussure, j’ai passé un diplôme en sémiologie« , raconte-t-elle à Paris New York TV. Commence alors une vie de bureau : cours, organisation de conférences, puis un congé maternité, et le chômage. « Pendant cette période, j’ai pu penser à ce que j’avais envie de faire. Je n’avais plus aucune envie d’être dans un bureau. » raconte-t-elle en souriant. Son mari, un Français lui dit alors : « Mais tu es pâtissière ! » Elle le dit elle-même : c’est lui qui l’a encouragée à suivre cette voie. Pour leur mariage elle a reçu en cadeau une Kitchen-aid, le légendaire robot-cuisine américain. Elle lui a même donné un nom, « Priscilla ». Ce robot ? Un précieux allié pour faire des merveilles dans l’assiette.
C’est dans la bonne humeur qui la caractérise, et qui déteint sur ses employés que Laurel Sanderson se lance dans sa nouvelle vocation, armée du livre de recettes de sa grand-mère américaine, écrit à la main et de sa bible, The Joy of Cooking « le mei-lleur livre de cuisine« , selon elle. Elle y apprend comment travailler les huiles, faire des sauces, obtenir un velouté… Le démarrage ne fut pas facile : « Je n’arrivais pas à faire lever la pâte, comme ma soeur qui tenait un Bed & Breakfast aux Etats-Unis« , se souvient-elle. Alors elle essaye, puis refait, et envoie les plats dans le pub de son mari, pour voir ce que ça donne. Sa mère ne manque pas de lui rappeler : « Quand tu es arrivée en France, tu ne savais même pas faire cuire un oeuf ! » Sauf que sa persévérance paye. Laurel Sanderson, après être devenue une pro des gâteaux, monte avec deux associées Sugar Plum Cake Shop, une délicieuse bakery à l’américaine dans le 5e arrondissement (dont nous vous avions parlé ici).
The Joy of Cooking, la bible de Laurel Sanderson.
Laurel Sanderson reprend en substance à son compte la maxime d’Einstein : « Pour rester en équilibre sur un vélo, il faut bouger ! » En décembre 2013, elle choisit d’ouvrir sa propre affaire : 13 a baker’s dozen pour offrir « une cuisine un peu spéciale, la cuisine de chez moi, celle de Charleston » raconte-t-elle l’oeil malicieux. Ce qu’on appelle la Low country cuisine, un mélange de recettes caribéennes et africaines. Southern Tapas, salades chaudes et froides, poulet frit pas frit à sa façon -elle le prépare comme s’il allait être frit, mais ensuite, le passe au four-, kale accompagné de lentilles noires, quinoa, pie au brocoli et champignons : Laurel Sanderson dit elle-même faire de « la cuisine américaine atypique ». De la « body & soul food« , une nourriture qui fait du bien au corps et à l’âme. Et ça marche.
Le dessert, un délicieux gâteau à la crème.
L’expression « 13 a dozen’s baker », c’est un peu le « treize à la douzaine » français – qui signifie « bon marché ». Laurel Sanderson raconte qu’au Moyen-Âge, les arnaques étaient fréquentes de la part de boulangers peu scrupuleux, qui vendaient des pains très légers, quasi vides de mie. Se crée alors un syndicat de boulangers voulant se démarquer de ces escrocs : la Light Measure Society of Wonderful Bakers, qui, pour montrer sa bonne foi, livrait 13 pains quand on lui en commandait 12. Une générosité propre à Laurel Sanderson qui a ouvert ce lieu qui lui ressemble, un endroit chaleureux et anglo-saxon, où on voit ses employés Panoma, Becky et Franck s’activer, touiller, faire cuire. « Je voulais que ce qui se passe en cuisine puisse être visible de la salle, c’est bien plus convivial« , explique-t-elle. « On peut regarder les gens, leurs réactions, interpréter la façon dont une table réagit« , précise celle qui virevolte de tables en tables distribuant ses sourires et ses petits pains chauds. Allez-y, vous ne serez pas déçus du voyage.
13 a dozen’s baker, 16 rue des Saints-Pères, 7e. Métro : Saint-Germain des Prés ou Rue du Bac.
Tel : 01 73 77 27 89. © photos Noélie Viallet – PNYTV 2015
► Bon à savoir : 13 a dozen’s baker propose un brunch tous les jours avec : plat, jus et café/thé (21 €).
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► En sortant : allez voir la vitrine de la bijouterie franco-newyorkaise Ginette NY
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